dimanche 29 avril 2018

Des prisonniers Allemands dans le Gâtinais (4)


L’année 1914 (Orléans-Montargis)

Des la déclaration de guerre dès les premiers jours d’Août, les premiers internés et prisonniers seront les civils ressortissants Allemands, Austro-hongrois, Turcs.
En effet, les deux principales raisons seront appuyées par la crainte de l’espionnite, compte tenu du contexte d’entée en guerre, tout le mode a peur de l’autre ce qui entraîne une vague d’espionnite qui déferle sur la France
« où rumeurs et fausses nouvelles se répandent comme une traînée de poudre : on raconte que des Allemands déguisés en religieuses distribueraient des bonbons empoisonnés aux enfants, on s’attaque aux laiteries de la société Maggi (pourtant suisse), à ses bouillons Kub et à ses publicités, qui, à en croire les délires de l’Action Française serviraient de panneaux indicateurs en cas d’invasion allemande »

Dans l'Indépendant du Pas-de-Calais à Saint-Omer, le samedi 8 août, montre qu'il en est de même à Lambersart :

"Nous avons dit que des incidents graves s'étaient produits à Lambersart. La maison de M. Lauth, désigné par la rumeur publique comme un Allemand donnant asile à des Allemands, avait été mise à sac.

Or, M. Lauth, né à Mulhouse (Alsace), nous prie de dire qu'il est d'origine française. Son père a fait la guerre de 1870 ; son oncle est colonel du 35ème de ligne à Belfort ; son cousin est sous-officier au 6ème chasseur à cheval, et lui-même enfin vient d'être accepté au 6ème chasseur à cheval, comme engagé volontaire. De plus, M. Lauth a mis son cheval et sa voiture à la disposiiton de la Croix-Rouge.
Mais plus prosaïquement, du point de vue militaire, tout homme soustrait à la mobilisation de l’ennemi, c’est autant de moins dans la force de l’autre.
Que se passe t il dans notre Montargois dès le début de la guerre dans les premières semaines ?
Après le départ des troupes, et de l’agitation à la gare, l’attention va vite se porter si on en croit le journal local de l’époque sur la montée de l’espionnite dans la région.
 es civils

Le premier encart, le 3 août, du Journal du Loiret décrit l’arrestation d’un « individu à la mine suspecte » sur le Pont de Bourgogne à Orléans, par 2 artilleurs du 30e RAC.
On lance aussi de fausse rumeurs comme celle-ci le 5 août :
« Un prêtre habillé en femme avait été arrêté à Villeneuve d’Ingré. C’était affirmait t on un espion ! On ajoutait que la brigade mobile d’Orléans avait été avisée le soir même »
le 8 août c ‘est plus sérieux :
«  Arrestation d’un individu employé d’une maison de commerce d’Orléans. Inculpé d’espionnage, l’homme fut interrogé en présence de l’avocat qu’il s’était choisi, puis mis à la disposition du parquet.
Des faits graves auraient été retrouvés à charge de cet individu, mais il nous est impossible d’entrer dans les moindres détails »
Entre le 1 Août 1914 et le 31 décembre, il y aurait pas loin de 29 occurrences d’articles dans le Journal du Loiret qui traiteront d’espion ou de fausse rumeurs d’espionnage.
Cette phobie d’espionnage contaminera bien sur notre bonne ville de Montargis et l’on retrouve dans le Gâtinais daté du 4 août ce passage :
« Mercredi soir, vers 6h et demie, la gendarmerie a arrêté aux portes de Montargis, trois hommes, trois femmes et un enfant (sujets allemands nous a t-on assuré) qui se seraient évadés de la prison de Melun et fuyaient en automobile, exerçant sans doute leur « triste métier » d’espions...
Sous la direction de six gendarmes , ils furent conduit, à la prison, menottes aux mains, suivi par une foule qui les escortait en criant « A mort ! A l’eau les boches ! » ».
Il est vrai que la prison est proche du canal..., ce qui interpelle dans ce récit c’est le conditionnel de l’évasion, plus que la fuite, la présence d’un enfant, lui a t’on passé aussi les menottes ?, Mais surtout les cris de la foule qui sont rapportés qui démontrent bien l’état de tension et de xénophobie du moment.
Le 7 Août :
« Une quarantaine d’allemand habitant notre arrondissement, qui n’avaient pas eu le temps de quitter le territoire, on été mis en état d’arrestation et écroués à la maison d’arrêt de Montargis, tant pour leur sécurité personnelle que pour la sécurité publique.
En raison du grand nombre de détenus dans notre prison, l’autorité militaire a adjoint au garde-chef un poste de 8 soldats du 82e, commandé par un sous-officier.
Lundi dernier, une vingtaine de sujets allemands et autrichiens on été amenés à Montargis et écroués dans les bâtiments de l’ancienne banque de France, rue du pont de l’ouche, lesquels étaient gardés militairement
Mercredi matin, ces détenus on été emmenés à la prison de Montargis, d’où avec leurs collègues, ils ont été dirigé vers une destination jusqu’à présent inconnues »
Si on en croit les sources locales, plus d’une soixantaine de ressortissant allemands ou autrichiens, seront arrêté et déplacé vers les camps d’internement civils qui se trouve pour la grande majorité a l’ouest du pays et quelque un en région PACA voir en corse.
En Corse :
À Bastia, le 4 août, trois touristes allemands fraîchement débarqués manquent de se faire lyncher par la foule et ne doivent leur salut qu’à l’intervention de la gendarmerie qui procède à leur ­internement

Ils seront environ 45 000, dont 8 000 Alsaciens, à connaître les camps français

Les Militaires

Les soldats

C’est encore notre journal local qui va nous être la source avant les listes des hôpitaux pour les blessés allemands qui seront soignés dans nos hôpitaux à partir de septembre.
Le correspondant du journal fait la veille à la gare, où tous les assoiffés de nouvelles se retrouvent. Le 20 Août Montargis voit son premier prisonnier allemand , un lieutenant de Dragon, il débarque du train de Sens, escorté par plusieurs gendarmes.
«C’est un homme de 28-30 ans, coiffé du casque a pointe, et chaussé de grandes bottes jaunes à l’écuyère.
Dès que l’arrivée du train qui le transportait fut signalé, et à sa descente de voiture, le prisonnier fut immédiatement conduit vers un compartiment de 2e classe du train d’Orléans en partance, dont on baissa aussitôt les stores.
A 8 h il débarquait à Orléans aux Aubrais
Quand l’officier prussien est descendu sur le quai où stationnait un grand nombre de voyageurs et d’employés de la gare, une formidable clameur de haine a retenti.... » 
Il faudra, aux montargois, attendre presque un an pour se rendre « au spectacle » de l’arrivée d’un contingent de prisonniers, le 29 août 1915, le Gâtinais annonce : Arrivée de Prisonniers allemands
« A 20h18 le tain en provenance d’Orléans entrait en gare, trente prisonniers Bavarois de la garde impériale (dont un sous-officier), capturés à Carency.
L’arrivée de ces prisonniers, attendus depuis 24h, avait attitré aux abords de la gare une foule considérable qu’on peut évaluer à 4000 personnes. Aussi, un rigoureux service d’ordre avait il été organisé par le commandant d’armes de façon à éviter toute manifestation ou incident fâcheux ; précaution inutile , d’ailleurs car c’est dans le plus grand calme que la foule regarda défiler ces soldats qui passait au milieu d’elle en relevant fièrement la tête.,, »
Si on se fie aux estimations de nos journalistes, le 1/3 de la population de Montargis s’est déplacée pour voir passer le défilé ! Deux autres lieux seront privilégiés par les badauds montargois pour se repaître de ces distractions estivales :
- Le pont du chemin de fer qui enjambe la voie entre le carrefour St Dominique et la route de la forêt
- La place du Pâtis :

le 4 septembre 1915 Avis à la population

« De nombreux habitants ont coutume de venir chaque soir, assister au passage des prisonniers de guerre rentrant de leur travail. Une véritable haie est ainsi formée sur la place du Pâtis et à l’entrée de la rue Don Pédre. Il est rappelé que le stationnement à ces divers endroits est actuellement interdits »

Les cantonnements

Comme pour le reste, la plus grande impréparation, compte tenu de la durée de cette guerre qui ne sera ni courte ni joyeuse, prévaut bien évidemment aussi pour notre Loiret, Orléans et Montargis. Dans l’urgence la caserne Coligny à Orléans va servir pour accueillir les premiers prisonniers qui seront gardés .
A Montargis se sont deux résidences qui vont être réquisitionnées en juin puis en octobre 1915.
Mais comme on va le voir plus loin, il va falloir édifier des installations beaucoup plus pérenne pour pouvoir utiliser la force de travail des ces contingents de détenus.
A Orléans ce sera le camps des Groues, à Montargis, Paucourt, la gare et surtout Châlette verront s’élever des baraquements dédiés à cette « population

Les Blessés

Les premiers blessés reçus dans les formations sanitaires de Montargis n’arriveront que le 1er septembre. Des prisonniers allemands seront hospitalisés dans différentes formations à l’exception de l’hôpital N°3 de Châlette. Les listes des blessés fournies par ceux ci à la mairie sont des relevés hebdomadaires des présents dans les salles le jour du relevé de l’établissement de la liste, il est difficile de savoir combien exactement de soldats allemands ont été traités. En fait la seule source sure est l’état civil de Montargis.
Par exemple, les 5 blessés allemands retrouvés dans les listes de l’hôpital Mixte, 5 décéderont des suites de leurs blessures, par contre 1 décédé à l’Hôpital mixte porté a l’état civil n’est pas retrouvé dans les listes des archives locales.
Sur les 16 décédés dans les hôpitaux en 1914, 11 mourront des suites de leurs blessures pendant le mois de septembre, la grande majorité à l hôpital 28.
Je n’ai pas d’explication à ce phénomène.
En 1915, 1916 pas de décès enregistrés dans les tables de l’état civil de Montargis, il faut attendre l’année 1917 pour en constater 2, mais c’est surtout en 18, 37 entre le mois de septembre et la fin de l’année puis 31 en 1919, sans doute les conséquence de la grippe.
Ce type de travail n’a pas été fait pour les hôpitaux d’Orléans, manque de courage pour dépouiller l’état civil !
Les corps seront enterrés au cimetière de Montargis au carré militaire. En 1939 , à la demande du gouvernement allemand, ils seront exhumés, et transférés dans un cimetière regroupant tous les sujets allemands prés d’Orléans.

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